Première rencontre entre le Pape de Rome et le Patriarche de Moscou et de Toute la Russie

Une nouvelle exceptionnelle vient de tomber sur les sites d’information : le Pape François va rencontrer le Patriarche de Moscou et de Toute la Russie, Cyrille le vendredi 12 février à La Havane (Cuba). L’événement attendu et espéré depuis des décennies va enfin être finalisé à Cuba.

L’église chrétienne s’est construite lentement au prix de nombreuses hérésies que les conciles œcuméniques se sont efforcés de réduire. Cette période de construction de l’église sur les plans théologique, dogmatique et liturgique coïncide avec le temps des 7 saints conciles œcuméniques (Nicée 1 en 325 et Nicée 2 en 787) que toutes les églises chrétiennes reconnaissent. Pourtant, l’unité de l’église chrétienne est bientôt rompue à l’occasion de la lutte que se livrent les deux capitales des deux grands empires de l’époque, Constantinople et Rome, pour imposer leur hégémonie. Chacune s’érigeant en pôle unique de culture et de foi dans un espace dont la religion est le plus petit commun dénominateur. Ainsi naissent l’oikouménè byzantine qui réunit essentiellement les peuples slaves et les Grecs sous la double tutelle de l’empereur et du patriarche de Constantinople, et la Respublica christiana romana qui est rassemblée autour de l’Empereur du Saint-Empire romain-Germanique et du Pape. La fracture de la chrétienté en deux mondes hostiles est consacrée par le schisme de 1054. Désormais il y a bien deux chrétientés l’une qui se nourrit de l’héritage grec et qui s’affirme orthodoxe ; l’autre qui se nourrit de l’héritage latin et qui s’affirme catholique, c’est-à-dire universelle ! Depuis cette date de 1054, la rupture est consommée ; il faut attendre le Concile de Ferrare-Florence (1437-1439) pour que le patriarche de Constantinople, Joseph II (1416-1439), et le pape de Rome, Eugène IV (1431-1447), se rencontrent le 2 janvier 1438 lors de l’ouverture du concile de Ferrare/Florence, dit concile de l’Union des églises. L’échec de ce concile d’union donnera naissance à l’église gréco-catholique, dite uniate, dont le premier cardinal fut le métropolite de Kiev, Isidore, chassé de son trône de Moscou en 1441 pour avoir souscrit le décret d’Union, le 6 juillet 1439, dans l’église Sainte-Marie-des-Fleurs dont Brunelleschi venait d’achever la coupole. Certes, le 7 décembre 1965, le patriarche Athénagoras Ier et le pape Paul VI ont bien levé le schisme de 1054 mais par un texte lu dans les deux églises. C’est pourquoi la rencontre de La Havane (Cuba) du 12 février 2016 aura une importance historique dont nous pouvons d’ores et déjà souligner quelques aspects majeurs.

En premier lieu cette rencontre consacre le rôle majeur que le patriarcat de Moscou exerce, dans le monde orthodoxe. Le Patriarche de Constantinople, primat des patriarcats orthodoxes, est désormais supplanté par celui de Moscou à la tête de la plus grande communauté orthodoxe du monde. La rencontre de La Havane marque la reconnaissance de la primauté de Moscou dans le monde orthodoxe. Comme le disait le moine Philothée du monastère Eléazar de Pskov au milieu du XVIe s « Moscou, la Troisième Rome est debout et de quatrième il n’y aura pas ! »

Le second point qu’il importe de souligner, touche la théologie. Les deux chrétientés se retrouvent dans « l’œcuménisme du sang » comme l’a explicité le pape François. Aujourd’hui, pour l’islamisme dévoyé et agressif qui déstabilise le Moyen-Orient et l’Afrique septentrionale et sahélienne, les victimes sont toutes désignées comme chrétiennes et non par adhésion à leurs églises, catholique, orthodoxe ou protestante, mais par adhésion à leur foi chrétienne. Le martyre des Chrétiens d’Orient et d’Afrique nous rassemble et nous unit en tant que chrétiens, comme ce fut le cas déjà sous la Rome antique lors des persécutions de Néron ou de Dioclétien ; c’est ce rassemblement des martyrs qui génère « l’œcuménisme du sang ».

Enfin un troisième point appelle à discussion ! nous pouvons et devons nous demander pourquoi cet acharnement de ces islamistes contre les chrétiens ? Parmi les nombreuses hypothèses, nous voudrions évoquer une raison théologique. Les Chrétiens sont issus d’une Révélation qui s’est manifestée par le mystère de l’Incarnation : le Fils de Dieu s’est fait Homme à travers Marie qualifiée de Théotokos. Chaque homme porte en lui « l’icône de Dieu ». En faisant du meurtre des chrétiens un geste rituel, les islamistes veulent tuer l’icône de Dieu dont tout homme est porteur. En s’acharnant contre les chrétiens, c’est Dieu lui-même qu’ils assassinent. Le Dieu des chrétiens est Amour, mais aussi Liberté et Pardon, jamais Soumission/Islam. Le Fils de l’homme lui-même, lors de la Transfiguration, dit à ses apôtres, « tombés la face contre terre et saisis d’une grande crainte… Relevez-vous ! Soyez sans crainte » Math, 17, 6-7.

Ce texte écrit à l’annonce de la prochaine rencontre aura une suite quand nous aurons appris le contenu de cette rencontre entre le Patriarche Cyrille et le pape François, en charge des chrétientés d’Orient et d’Occident aujourd’hui réunies dans « l’œcuménisme du sang ».

JP Arrignon


1 commentaire

  • piettre jacques dit :

    Merci de ce texte tout à fait d’actualité et plein d’espérance. Combien de temps faudra-t-il pour que le petit peuple orthodoxe et le petit peuple catholique se connaissent, se reconnaissent, s’estiment et s’aiment ? Beaucoup de temps et d’explications seront nécessaires peut-être encore plus du côté orthodoxe que du côté catholique; et là, Jean-Pierre, vous serez utile, je pense.