La guerre du Nagorniï-Karabakh

Le Haut-Karabagh est une enclave montagneuse ethnique peuplée d’Arméniens, située au sud-ouest de l’Azerbaïdjan.

La demande d’union avec l’Arménie s’est développée pacifiquement dès 1980 suite à la désintégration de l’Union soviétique. Le 26 février 1988, un million de personnes défile à Erevan et revendique le rattachement du Haut Karabagh à l’Arménie. Le Parlement de l’enclave vote le rattachement à l’Arménie. Un referendum confirme ce vœu à plus de 95%. Il en résulte une guerre violente marquée par des accusations réciproques de nettoyage ethnique.

La première guerre du Haut Karabagh

La guerre prend une ampleur particulière dans l’hiver 1992-93, l’existence de l‘Azerbaïdjan est menacée entraînant des médiations internationales qui échouent. Au printemps 1993, les Arméniens occupent 9% du territoire azerbaïdjanais outre le Haut-Karabagh. Ce conflit d’une extrême violence fait plus de 400 000 réfugiés arméniens fuyant l‘Azerbaïdjan et 800 000 réfugiés azéris d’Arménie et du Haut-Karabagh. Le pouvoir politique de l’Azerbaïdjan s’effondre. Le pays accepte le cessez le feu proposé par la Russie ; il est signé en mai 1994. Les Azerbaïdjanais se tournent alors vers un ancien membre du Politburo du Parti communiste de l’URSS, Heydar Aliyev.

Il dirige le pays d’une main de fer, mais parvient à négocier un contrat en or avec l’industrie pétrolière. Il peut mener une politique de stabilisation du pays. Mais le problème du Haut-Karabagh n’est pas réglé. En 2003, Heydar Aliyev renonce à solliciter un nouveau mandat. Son fils, Ilhan Aliyev, lui succède jusqu’à nos jours. Il mène une politique dictatoriale reposant sur un retour du nationalisme et le réarmement de l’armée, achetant du matériel de guerre à la Russie et Israël. Le Haut-Karabagh est   perçu par les Azéris comme la « ligne bleue des Vosges » en France, après 1870.

La seconde guerre du Haut-Karabagh 

Elle éclate le 27 septembre 2020 pour ramener l’enclave du Haut-Karabagh, République auto-proclamée en 1991, et non reconnue par les organisations internationales, au sein de l’Azerbaïdjan. La guerre provoque les mobilisations générales des deux camps. Les combats sont d’une extrême violence avec l’utilisation d’armes modernes et de drones. Les populations civiles ne sont pas protégées ; la capitale Stepanakert est bombardée. De plus, le conflit s’internationalise avec l’arrivée de mercenaires djihadistes en provenance de Syrie : par exemple, les 300 hommes de la division Sultan Mourad, composée majoritairement de Turkmènes, soutenus par la Turquie et affiliés à l’armée de libération syrienne déployés dès le 24 septembre 2020 (un déploiement confirmé par E. Macron).  L’Azerbaïdjan a le soutien de la Turquie, d’Israël et de la Hongrie. Pour cette dernière, son soutien se manifeste au nom de l’intégrité territoriale et de la souveraineté des Etats en tant que principe de droit public.

Aujourd’hui les risques d’internationalisation du conflit sont majeurs. Les appels de la communauté internationale à un cesser le feu immédiat se multiplient mais n’ont pas encore été effectifs malgré les concessions du Premier ministre arménien d’accepter de négocier. Seule la Russie, qui est en contact avec les deux belligérants, semble en mesure de prendre des initiatives. Pourtant, l’Arménie se sent abandonnée par son allié russe. L’Union européenne, quant à elle, est plus proche de la position de la Hongrie.

Quelles leçons à tirer

Un premier constat s’impose : désormais les communautés internationales (ONU, Union européenne, etc.) ne reconnaissent plus les cessations territoriales unilatérales des régions (Haut-Karabagh) ou les rattachements à d’autres Etats (Crimée). Or ces « Etats » n’étant pas reconnus, nourrissent tous les nationalismes des Etas dont ils se sont séparés et qui n’ont qu’un seul objectif : reconquérir ces territoires perdus. Cela se traduit par des politiques de réarmement en vue de mener des guerres de reconquête à court, moyen ou long terme. La stratégie de la non reconnaissance nourrit la guerre.

Il me semble urgent que les communautés internationales réfléchissent et prennent en compte le Décalogue de l’Acte final d’Helsinki voté le 1e août 1975 qui régit les relations internationales entre les Etats participants :

  1. Egalité souveraine, respect des droits inhérents à la souveraineté
  2. Non-recours à la menace ou à l’emploi de la force
  3. Inviolabilité des frontières
  4. Intégrité territoriale des Etats
  5. Règlement pacifique des différends
  6. Non-intervention dans les affaires intérieures
  7. Respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales y compris la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction
  8. Egalité des droits des peuples et droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
  9. Coopération entre les Etats
  10. Exécution de bonne foi des obligations assumées conformément au droit international.

Le Décalogue valide bien l’intégralité territoriale des Etats et l’inviolabilité des frontières mais il reconnaît aussi le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (art. 8). Lorsqu’une volonté de quitter un ensemble est validé par un, voire plusieurs referendums à plus de 90%, il semble légitime que les communautés internationales puissent prendre en compte la volonté des peuples et d’accepter de reconnaître ce fait en dotant ces nouveaux Etats d’une structure juridique particulière leur garantissant une paix sous protection internationale. Un partenariat international pour la Paix pourrait être une perspective à imaginer. Ce serait un moyen d’éviter que les Etats amputés ne voient la guerre comme le seul moyen de faire revenir ces régions sécessionnistes en leur sein.


3 commentaires

  • Aharon Boyadjian dit :

    Bonjour, vous dites qu’il y a eu 400.000 réfugiés arméniens d’Arménie, ce qui est globalement vrai. Je crois que dans l’URSS il y en avait plus (autour de 500.000, comme à Tbilissi en Géorgie. Mais vous dites aussi qu’il y a eu 800.000 réfugiés d’Arménie et du haut Karabagh. En fait, en URSS, la population de l’Arménie était à 96% arménienne et il n’y avait pratiquement pas d’azéris.Le Haut Karabagh avait une population de moins de 150.000 habitants, puisque ce chiffre représente la population aujourd’hui, 28 ans après. L’immense majorité du Haut Karabagh était arménienne, puisque sa population a voté à 95% le rattachement à l’Arménie. Donc, on peut difficilement imaginer qu’il y avait 2 à 4.000 azéris au Haut Karabagh, çàd dans la partie montagneuse où ils ont habité jusqu’à aujourd’hui. Les réfugiés azéris l’ont été à partir des régions basses tout autour du Haut Karagagh et qui « appartenait » à l’azerbaïdjan. Il me semble exagéré de considérer qu’il y a eu 800.000 personnes qui habitaient dans les régions basses para-Haut Karabagh ! puisque c’étaient là quelques villages de quelques centaines d’habitants chaque. Même s’il y avait des villes, elles n’étaient jamais peuplées de plus de quelques milliers d’habitants.
    Ces chiffres sont donc à revoir. Peut-être vous les avez trouvés chez des auteurs qui les ont pris par la propagande (très forte et mensongère) de l’azerbaïdjan.
    Disons au passage que l’Arménie est nulle et archinulle en communication et en propagande, alors que l’azerbaïdjan dépense des fortunes pour cela !

  • Partick WATTEL dit :

    Jean-Pierre,
    Merci de ton éclairage des origines du conflit.
    Amitiés

  • Duranson dit :

    La structure juridique particulière pourrait-elle être dans un premier temps la reconnaissance d’une région semi autonome au sein de l’état initial, suivi de la création d’un état indépendant mais associé au premier sous le régime d’un état fédéral. Le tout complété par un appui international de nature commerciale visant à assurer l’indépendance financière de l’état nouvellement créé ?