L’été 2018 a été riche en événements : Bien sûr, nous avons célébré la victoire de la France lors de la coupe du monde de football à Moscou le 15 juillet 2018, mais nous avons pu suivre aussi les rencontres du Président D. Trump avec Kim Jong Un, le 12 juin, une première dans les relations internationales entre les deux pays, puis la rencontre avec les pays de l’Otan, le 11 juillet , enfin avec Vladimir Poutine à Helsinki, le 16 juillet. Le 6 août, le Président D.Trump a activé la première tranche des sanctions contre l’Iran et le 22 août il a annoncé le premier train des sanctions contre la Russie, suite à l’affaire de Salisbury ; un second train est prévu à l’automne.
Deux compagnies maritimes russes, Primorye et Goudzon, accusées d’avoir livré du pétrole à Pyongyang, ainsi que 6 navires battant pavillon russe et appartenant à ces compagnies voient leurs avoirs gelés et sont interdites de tout commerce avec une entité ou un ressortissant américain, ce qui les met de facto hors du système financier international. Ces mesures ont été considérées par les Russes comme sans effet économique.
J’attirerai plutôt l’attention sur la réunion à Tokyo, le 1e juillet 2018, de 16 ministres et représentants de l’Asie-Pacifique qui ont convenu de conclure rapidement un accord sur le Partenariat Economique Régional Global (PERG). 16 pays de l’Asie dont la Chine, l’Inde, le Japon, l’Australie, la Corée du Sud et la Nouvelle Zélande plus les 10 pays membres de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-est (ASEAN) à l’exclusion des Etats-Unis, ont évoqué la nécessité de créer une Zone de Libre Echange (ZLE).
L’objectif est d’élargir significativement le commerce international et de décupler les investissements réciproques. Le principal intérêt de cette association est que tous les pays indépendamment de leur niveau de développement, bénéficieront d’une croissance économique accélérée. Pour ce faire, il faut supprimer les barrières commerciales car leur suppression renforce la concurrence entre les producteurs ce qui est une excellente stimulation au développement indépendamment du secteur d’activité. Or, cela n’avait jusqu’alors pas été possible parce que les Etats-Unis menaient depuis 2008 des négociations directes avec les Etats dans le cadre du TPP (Partenariat Trans-pacifique) espérant obtenir le contrôle d’une grande partie de la région pour faire contrepoids à la Chine, mais, en 2017 D. Trump a signé la sortie des Etats-Unis de cet accord promu par son prédécesseur, B. Obama.
En outre, les « guerres commerciales »déclenchées par les Etats-Unis contre la Chine et le reste du monde ont été une motivation puissante pour ces Etats orientaux. Washington a augmenté unilatéralement les taxes sur des quantités de produits dont l’acier et l’aluminium, portant ainsi un sérieux préjudice aux principales économies asiatiques. Dans le même temps des pays opposés comme la Chine et l’Inde ont décidé de faire « front commun » contre ces mesures. C’est pourquoi le Partenariat économique régional global sera signé avant la fin de l’année. Les conséquences seront majeures dans l’économie du monde. D’une part il contribuera à l’intégration du marché du Pacifique occidental, c’est-à-dire le marché de l’Asie du nord-est d’autre part, il accélérera le développement commercial et économique régional, surtout, il s’inscrit dans une stratégie de dé-dollarisation du commerce international au profit des monnaies nationales.
Le potentiel des pays membres du PERG est considérable ; ils constitueront la plus importante association économique mondiale ! Selon la Banque mondiale, entre 2012 et 2017, leur PIB est passé de 21900 à 25500 milliards de dollars et leur part dans le PIB mondial de 29,3% à 31,6%, le tout sous-tendu par une population de 3,5 milliards d’habitants, soit 47,5% de l’humanité.
L’élargissement de la coopération économique est aussi la clé pour résoudre les litiges territoriaux de longue date, ce qui renforce la sécurité collective de la région. Si la Chine investissait dans le secteur industriel de l’Inde, des dizaines de milliers d’emplois et de nouvelles opportunités s’ouvriraient pour les exportations indiennes. Avec le temps, cela permettrait de régler le stupide conflit territorial qui oppose les deux pays.
Toutefois le PERG n’est pas une alternative au commerce avec les USA pour tous les pays de l’alliance, car pour la Chine, L’Inde, le Japon et la Corée du sud, le commerce américain est trop important ; ils n’y renonceront jamais. En revanche le PERG impactera radicalement la politique américaine en matière de commerce extérieur. Les sanctions contre certains pays de l’alliance deviendraient inutiles car les réexportations sont possibles dans le cadre de la Zone de Libre Echange ! Ce serait un suicide économique pour les Etats-Unis de décréter des sanctions contre tous les pays du PERG et se couper d’un tiers du commerce mondial !
Quant à la Russie qui ne fait pas partie de cette association, elle lui fournit néanmoins une grande partie de son énergie : Gazprom et la société chinoise CNPC ont signé un contrat de livraison de 38 millions de m3 de gaz par an. Grâce au PERG cette quantité pourrait décupler. Selon les prévisions moyennes, d’ici 2035, la Chine aura besoin de 80 à 110 milliards de m3 de gaz de pipeline russe. En outre le gaz liquéfié (GNL) a été acheminé du port de Yamal vers le port indien de Dahej. Ce contrat prévoit la livraison de 3, 5 milliards de m3 par an. Les autres pays du PERG suivront, ce qui assure la Russie de participer aux effets économiques du PERG, d’autant que des négociations sont en cours avec les pays du Partenariat économique oriental !
Que fait l’Europe face à cette grande mutation des pays asiatiques ! Nous négocions le Brexit et nous nous préoccupons des naufragés- émigrés transportés par l’Aquarius , bateau qui appartient à la société allemande « Jasmund Shiping » qui facture aux ONG le transport à 2000 euros par émigré. Qui paie ?
Combien de temps faudra-t-il aux Européens pour comprendre qu’un pays qui consacre 716 milliards de dollars pour sa défense (budget signé par D. Trump le 14 août 2018) afin « de donner aux militaires américains la puissance de feu dont ils ont besoin pour gagner n’importe quel conflit rapidement et de façon décisive » n’a pas besoin d’alliés mais de vassaux !
Construire l’Europe, non pas contre les Etats-Unis, mais dans une démarche de respect mutuel et de projection sur l’avenir, est une nécessité, mais en avons-nous les hommes, la volonté et la dynamique ? En ce sens le PERG nous donne une formidable leçon.
Bonne fin de vacances à tous
JP Arrignon
Limpide comme d’habitude.
Amitiés
Pierre