Géopolitique de l’Afrique

 

Géopolitique de l’Afrique

Conférence prononcée lors du Forum national des auditeurs  IHEDN à Luxembourg, le 15 novembre 2013.

 

Il m’a été confié la lourde et redoutable tâche d’introduire les restitutions des travaux des Associations régionales de l’Union IHEDN par un rapide exposé permettant de jeter les bases de la Géographie, de l’Histoire et des tendances de l’évolution de l’Afrique, pour permettre aux intervenants d’attirer notre attention sur les perspectives que l’Afrique offrent à la France et à l’Europe. Puisse cette introduction répondre à son objet.

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L’Afrique est un continent de 30.368.609 km2, soit 20,3% des terres émergées et 6% de la planète. C’est le second plus grand continent après l’Asie en surface et en population.

Ses distances extrêmes sont de 8000 km du N au S et 7400 d’Est et Ouest. Il a 26 000 km. de littoral. Il est capital de garder en tête la notion d’espace de ce continent dans lequel s’insèrent les Etats-Unis, la Chine, l’Inde et toute l’Europe !

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Paysages dominants : l’Afrique à l’aspect général d’un  plateau de moyenne altitude : 600 m.  (Asie 800 m.) parcouru par 4 grands bassins hydrographiques : ceux du Nil (6700 km.), du Congo (4700 km.), du Niger (4180 km.) et du Zambèze (2574 km.). Les montagnes sont situées sur la périphérie orientale, depuis le Drakensberg au sud jusqu’au massif éthiopien au nord. Les deux points culminants se trouvent dans la région des grands lacs : le Mont Kenya (5200 m.) et le Kilimandjaro (5895 m.)

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L’Afrique se situe presque entièrement dans la zone intertropicale. Néanmoins on distingue 5 zones climatiques : Jaune, climat aride désert chaud : Sahara. Vert clair : climat tropical humide (savane). Vert foncé : climat équatorial (forêt dense). Marron : climat tropical sec (steppe). Rouge : climat méditerranéen. Les conditions climatiques font que les terres agricoles sont très inégalement réparties, pourtant, elles font l’objet d’achat massif de la part de la Chine ou des Etats Unis et d’autres qui y développent des cultures spéculatives au détriment des cultures vivrières. Enfin, l’Afrique est le continent où la déforestation est la plus élevée du monde : 40 000 km2 de forêt sont rasés par an. 

HISTOIRE

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Nous allons rapidement évoquer la longue histoire de l’Afrique par une suite de cartes que je me bornerai à commenter très brièvement. Pour plus d’informations, je vous renvoie au bel Atlas historique de l’Afrique des origines à nos jours,  de Bernard LUGAN, éd. Du Rocher, Paris, 2001.

Nous savons tous que les humanidés sont probablement originaires de l’Afrique de l’est. Le terme Afrique ne désigne pourtant à l’origine que l’actuelle Tunisie, là où vers 814 avant JC, les Phéniciens fondent une nouvelle ville : Carthage qui va faire rayonner la civilisation punique. Les Africains étaient ceux qui vénéraient la déesse Ifri, déesse de la guerre et protectrice des marchands. La partie Nord du continent africain entre dans l’empire romain après les guerres puniques (264-241 avant JC ; 218-201 avant JC ; 149-146 avant JC) ; la méditerranée devient alors un mare nostrum homogène comme le montre les nombreux vestiges archéologiques de l’époque romaine. Le christianisme y fit son apparition, selon la légende, par saint Marc à Alexandrie en 60 et par le diacre saint Philippe en Ethiopie. En 400, 90% des Egyptiens sont chrétiens. Le grand théologien saint Augustin était évêque d’Hippone (354-430).

-Au VIIe s. l’Afrique du Nord subit les invasions arabes. Cette conquête est difficile et se limite à l’Ifriqiya des Romains. De là, les Arabes vont s’enfoncer vers le sud pour contrôler les routes du sel et de l’or à travers le Sahara qui devient alors une zone de contact entre les civilisations arabo musulmane au nord et animiste au sud.

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Afrique aux XIII-XVe s.

A partir du XIe s. se forment des cités Etats qui doivent leur richesse à leur rôle d’intermédiaires entre les royaumes du Nord : Almoravides (XIe-XIIe s.) et Almohades(XIIe-XIIIe s.) à l’Ouest, et les Hafsides  et mameluks au Nord et à l’Est. C’est l’âge d’or du Sahel avec les villes-Etats : Ouadagost Oualata, Tombouctou, Gao, Agades et l’apparition des grands royaumes comme le royaume très centralisé des Songhai à Gao et ceux des Mossis de la boucle du Niger et du bassin des Volta.

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Afrique XVIe-XVIIIe s.

L’Afrique des XVIe-XVIIIe s. est marquée par deux faits majeurs : le développement interne des Etats et des cultures et la participation au commerce international. Au nord, les Ottomans s’installent en Egypte et établissent des régences à Tunis et Alger. Au sud du Sahara, les anciens empires s’effondrent : empire des Songhai, royaumes de l’ouest du Soudan, royaume chrétien d’Ethiopie, mais apparaissent de nouveaux pouvoirs : royaume Ashanti (Ghana), royaume du Bénin (Nigeria et Dahomey)  et royaume Sakalava à Madagascar. Enfin, c’est la période qui voit les européens tisser un réseau commercial le long de la côte de l’Afrique de l’Ouest.

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Le commerce triangulaire a fait l’objet de multiples études et susciter de nombreuses controverses. Nous renvoyons ici aux travaux d’Olivier Pétré-Grenouilleau, Les traites négrières. Essai d’Histoire globale, Paris, Gallimard, 2004, 468 p. [Bibliothèque des Histoires] et Dictionnaire des esclavages, Paris, Larousse, 2010 [coll. A présent]des traites ; il ne faut pas dissimuler les traites à L’Est de l’Afrique, cf. Tidiane N’Diaye, Le génocide voilé, Paris, Gallimard, 2008, 260 p. [continents noirs].

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les principales explorations : L’exploration de l’Afrique a commencé dès l’Antiquité avec les Grecs et les Romains, puis s’est accéléré au XVe s. avec les Portugais, et au XVIIe s. avec les Hollandais. Mais il faut attendre le XIXe s. pour que les Européens pénètrent au cœur de l’Afrique. En 1828, le Français René Caillié, dissimulé en lettré musulman, atteint Tombouctou et est le premier à en revenir  vivant. Puis, suivent les grandes explorations d’Heinrich Barth (1849-1855) qui, de la Méditerranée atteint le lac Tchad, puis la vallée du Niger et Tombouctou, puis David Livingstone en 1852-1856 puis de 1858 à 1864 pénètre l’Afrique australe, enfin Pierre Savorgnan de Brazza parcourt le Congo en 1879-1882. A la fin du XIXe s., les Européens ont acquis une connaissance précise de l’espace africain.

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L’Afrique  en 1920 La fin du XIXe s. a souvent été décrite par la formule « ruée vers l’Afrique/scramble for Africa, pour traduire le grand mouvement de colonisation de l’Afrique. La conférence de Berlin (1884-1885) en a fixé les règles de partage entre les différents pays mais n’a procédé à aucun partage. L’Afrique Occidentale Française (AOF) est une fédération de 8 colonies françaises d’Afrique de l’Ouest, crée en 1895 et qui dure jusqu’en 1958. En font partie :la Mauritanie, le Sénégal, le Soudan français (Mali), la Guinée, la côte d’Ivoire, le Niger, la Haute-Volta (Burkina-Faso) et le Dahomey (Benin) . L’Afrique Equatoriale française (AEF) a été créée en 1910 et regroupe 4 colonies françaises : Gabon, Moyen-Congo (Rép. du Congo), Tchad, Oubangui-Chari (Rép. Centrafricaine).  Seule l’Ethiopie et le Libéria  n’ont pas été occupés (Ethiopie brève occupation italienne de 1936 à 1941). Dans le même temps, les Anglais, suivant les propositions de Cécil Rhodes (1853-1902) relient Le Caire au Cap.

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L’Afrique compte entre 200 et 2000 langues selon la distinction que l’on fait entre langues et dialectes. Ces langues sont réparties en 5 groupes :

-le groupe Afro-Asiatique : Arabe, Berbére, Songhai, Amharic et Oromo

-le groupe nilo Saharien : Songhai.

-le groupe Niger Congo A : Fulani Yoruba, Igbo.

-le groupe Niger-Congo B :  Swahili et  Lingala.

-le groupe Khoisan : langues parlées au Botswana et Namibie.

Dans la plupart des anciennes colonies, la langue officielle est la langue importée de l’ex-métropole (Français ou Anglais) pourtant moins de 10% des populations les parlent. Seul 3 pays ont leur langue locale pour langue officielle : le Lesotho, le Rwanda et le Burundi.

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Carte des Indépendances à partir de 1960

En 1905, les Européens ont achevé leur appropriation de tous le territoire africain, à l’exception du Libéria et de l’Ethiopie. La Grande Bretagne et la France ont les plus grandes possessions, mais le Portugal,  l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et la Belgique ont aussi leur part.

Les Africains ont largement pris leur part dans les combats des deux guerres mondiales de 1914-1918 et de 1939-1945. Aussi le 14 août 1941, Th. Roosevelt et W. Churchill signent la charte de l’atlantique dont la clause 3 introduit l’autonomie des colonies impériales : « …Ils souhaitent voir rétablir les droits souverains et le gouvernement indépendant des nations qui en ont été dépouillés par la force. »

La décolonisation en vue d’accéder à l’indépendance va se faire :

Soit par un passage par un stade d’autonomie interne : c’est le cas des dominions britanniques, du Maroc et de la Tunisie en 1956, des colonies françaises d’Afrique noire en 1958 à l’exception de la Guinée. Toutes ont voté pour le statut d’états autonomes au sein d’une Communauté conduite par la France. Cette Communauté éclate rapidement et entre 1959 et 1960, tous ces &états deviennent indépendants.

Soit par accès direct à l’indépendance : c’est le cas du Congo belge en 1959.

Soit à l’issue d’une guerre longue et meurtrière : guerre d’Algérie (1962), Angola et Mozambique (1974).

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Carte 12 : La population africaine est estimée en 2013 à 1 110 635 000 d’habitants soit 15% de la population mondiale, mais la densité moyenne est de 34 hab./km2 alors que la densité moyenne mondiale est de 47 hab./km2. Cette population est très inégalement répartie ; les zones les plus densément peuplées se trouvent sur la côte du Maghreb, dans la vallée du Nil jusqu’à Assouan, en Ethiopie, dans l’Afrique de l’Ouest au sud d’une ligne Dakar, Bamako Abujaur et enfin sur les côtes de l’Afrique australe. Il est à remarquer qu’à l’exception des bassins du Nil et du Niger, les grandes vallées fluviales ne sont pas densément peuplées. Enfin, cette population est jeune : 41% a moins de 15 ans et l’âge médian est de 20 ans ; toutefois l’espérance de vie (57 ans) est inférieure à la moyenne mondiale (69 ans)

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carte des organisations africaines

Ces organisations africaines, dessinent des espaces économiques, politiques culturels et militaires qui permettent de valider le concept « des Afriques », soit une pluralité d’états qui se regroupent en vue d’organiser des règles communes de développement sur un espace identifié par des synergies. Ces organisations communautaires sont certainement essentielles pour générer le concept de nation et dépasser le concept de tribus. Au sein de ces organismes, les états en effet ne s’expriment qu’au nom d’intérêts nationaux. Une des priorités de l’Union européenne devrait être d’accompagner ces organisations à promouvoir, encadrer et suivre les projets de développement économique mais aussi la mise en place de nouvelles gouvernances pour asseoir, sur le long terme, les principes de la démocratie et de la responsabilité juridique.

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carte des Chinois en Afrique

La présence de la Chine en Afrique est désormais bien visible à travers l’immeuble de 20 étages que les chinois ont construits et offerts pour être le siège de l’OUA à Addis-Abeba. Ces largesses chinoises sont anciennes et se poursuivront si l’on en croit le Président Chinois qui en 2012 à Beijing a promis la construction de 100 écoles, 30 hôpitaux, 20 centres agricoles ! Les dirigeants africains se plaisent à souligner que les échanges commerciaux avec la Chine qui ont atteint 160 milliards de dolars en 2011, sont bien plus importants pour l’Afrique que les dons !

En vérité, la Chineest en Afrique à la recherche stratégique des ressources dont elle a besoin pour assurer ses besoins énergétiques : actuellement, elle achète le tiers du pétrole africain, la charbon d’Afrique du siud, le fer du Gabon, le bois de Guinée et le zinc de Zambie. D’autre part, pour les chinois, l’Afrique est souvent perçue comme un marché énorme en devenir : les produits chinois ont déjà envahi les marchés du Caire, de Johannesburg, de Lagos, de Dakar, non sans créer de réelles tensions avec les populations autochtones. La force de la Chine en Afrique est le fait que sa politique commerciale repose sur la non-ingérence dans les affaires intérieures des états. A la différence de l’Union européenne, la Chine ne conditionne pas son aide et ses échanges au développement de la démocratie et des droits de l’homme. En outre, il faut savoir que la Chine se repositionne en permanence en fonction de la nouvelle Afrique qui émerge. C’est là sans doute, une force exceptionnelle de la Chine en Afrique.

Conclusion :

De ce rapide panorama, que pouvons-nous retenir d’essentiel. L’Afrique est une vaste continent, en conséquence, il serait plus judicieux de parler des Afriques, chacune de celles-ci formant une entité géographique, économique, linguistique et culturelle. En second lieu, il faut noter que l’expansion des langues, des empires s’est faite d’Ouest en Est alors que les états issus de la colonisation sont d’orientation Nord/sud, ce qui pose le problème de la validité du concept de l’intangibilité des frontières. Enfin, il est important de bien voir que l’Afrique constitue un véritable pont entre l’Asie et les Amériques ; à l’époque de la mondialisation, l’Afrique peut tirer profit de cette position qui explique en partie l’intérêt que lui porte les états asiatiques et américains du Sud.

 

Jean-Pierre Arrignon

Bibliographie :

Outre les ouvrages cités dans le texte, j’ai beaucoup puisé dans la Géographie universelle sous la direction de R. Brunet, t. 6-Les Afriques au sud du Sahara, par A. Daubusson, J.-Y. Marchal et J.-P. Raison, Paris, Belin, 1994, 480 p. et le tome 8-L’Afrique du Nord, le Moyen-Orient et le Monde indien, par F. Durand-Dastès et G. Mutin, Paris, Belin, 1995, 480 p.

Pour l’Histoire : Histoire générale de l’Afrique, en 8 volumes édités par Présence africaine/ Edicef/ UNESCO depuis 1986.

Les cartes ont été tirées soit de sites web soit de l’Atlas historique de l’Afrique de B. Lugan.

 


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