La période écoulée entre le 23 Juin et le 8 juillet a été particulièrement riche en événements qui n’ont pas tous reçu une couverture médiatique identique : Si le referendum du Brexit du 23 juin, a été largement commenté et analysé, il n’en est pas de même du Sommet de l’Organisation de Shangaï (OCS) qui s’est tenu les 23-24 juin 2016 à Tachkent, passé quasiment sous silence, enfin, le sommet de l’OTAN tenu à Varsovie les 8-9 juillet 2016. Mon propos ici est d’analyser brièvement les conséquences de ces trois événements qui tous font évoluer la lecture géopolitique du monde à venir.
Le Brexit a particulièrement marqué les esprits. Pour la première fois, un des membres de l’Union européenne, et non des moindres, le Royaume Uni dont la population était consultée par un référendum consultatif, a décidé par 5I,9% des voix de voter la sortie de l’Union. Ce vote souligne clairement le divorce profond entre le peuple et une technocratie européenne, perçue comme une corporation préoccupée par la conservation de ses propres avantages et manifestant une grande arrogance envers les peuples. Le vote britannique est moins dirigé contre l’Union européenne que contre la corporation des technocrates européens, comme l’ont montré les réactions d’après résultat. En outre, il est intéressant de noter que les leaders du brexit n’ont pas désiré assumé le choix des Britanniques, N. Farage s’est retiré de la politique, le maire de Londres, Boris Johnson s’est retiré laissant la gestion de la sortie à Madame Theresa May, une eurosceptique favorable au maintien ! Enfin, les divers analystes se sont précipités sur les conséquences de ce brexit concernant le PIB de l’Union européenne comme de la Grande Bretagne ! Toutes ces prévisions reposent sur rien comme l’a remarquablement dit Jean-Hervé Lorenzi aux journées du cercle des économistes d’Aix-en Provence ! Madame Th. May est maîtresse du calendrier ; elle n’activera l’article 50 §2 du Traité de l’Union qui officialisera la sortie de l’Union européenne que le moment venu en dépit des demandes répétées de Madame A. Merkel et de F. Hollande ! Wait and see est un dit-on anglais !! Alors attendons !
Le deuxième événement oublié par notre presse s’est déroulé à Tachkent où étaient réunis les Présidents de la Chine, du Kazakhstan, du Kirghiztan, d’Ouzbékistan, de Russie et du Tadjikistan. Ce sommet a validité le statut de membre à part entière de l’OCS de l’Inde et du Pakistan, tandis qu’ils ont validé le statut de partenaire du dialogue de l’OCS à l’Azerbaïdjan, l’Arménie, le Cambodge et le Népal, ; des négociations sont engagés avec l’ASEAN. A l’opposé de l’UE, l’OCS, selon M. Xi, Président de la Chine, pour la première fois, a initié le processus d’intégration de nouveaux membres et renforcé l’influence internationale de l’Organisation dont les membres permanents et les observateurs représentent environ la moitié de la population mondiale !
Les Etats membres s’engagent à « œuvrer à une transformation profonde de l’économie mondiale à travers des réformes structurelles à grande échelle, une compétitivité diversifiée et accrue des économies et un développement innovant sur le long terme. Dans cette perspective les Etats membres se sont engagés à chercher à coupler leurs stratégies nationales de développement et à renforcer la coopération entre leurs programmes économiques et commerciaux. Ils ont promis aussi de construire ensemble la ceinture économique de la route de la soie qui devrait faciliter la coopération économique régionale. Les Etats membres s’engagent aussi à renforcer le socle de la culture et des échanges humains comme pont pour le développement futur.
D’autre part, les Etats membres ont rappelé que la coopération de sécurité reste une des leurs priorités, notamment contre les « trois forces du mal » : « terrorisme, séparatisme et extrémisme » Une Convention de l’OCS doit être élaborée pour fournir une base juridique importante à leur coopération. Cette coopération repose également sur des exercices militaires communs, les « missions de paix », dont le dernier eut lieu du 24 au 29 août 2014. Toutefois, les membres ont réaffirmé que les activités de l’organisation ne sont dirigées contre aucun Etat ou organisation internationale.
Comme nous le voyons, le sommet de l’OCS , dont le prochain sommet aura lieu à Astana, à montrer qu’en 15 ans d’existence, l’OCS a donné des résultats fructueux et surtout a atteint un nouveau degré qualitatif qui a permis de signer la Charte de Tachkent qui confirme le plan d’action 2016-2020 pour la mise en place de la stratégie de développement de l’OCS à l’horizon 2025. Faut-il continuer à ignorer l’OCS ?
Le troisième événement concerne le sommet de l’OTAN tenu à Varsovie les 8-9 juillet 2016. Le choix de la ville n’est pas anodin ; il veut conjurer le souvenir du Pacte de Varsovie conclut le 14 mai 1955 entre la plupart des Etats du bloc communiste en réponse à l’Otan créé le 4 avril 1949 ! Le compte-rendu du sommet compte 139 articles. Toutefois les articles 9 et 10 dressent les griefs faits à la Russie et justifient le renforcement du « flanc est »par l’envoi de quatre bataillons de 1000 h. chacun en rotation et fournis par les Etats membres de l’UE ; d’autre part la réalisation du plan de défense antimissile balistique (BMD), acté au sommet du Pays de Galles, est confirmée ce qui suscite de grandes suspicions à Moscou. Il est intéressant de noter que le compte rendu affirme que les décisions prises à Varsovie ne doivent pas être interprétées comme en contradiction avec l’Acte fondateur des relations OTAN-Russie, signé à Paris le 27 mai 1997 qui réaffirme dans son introduction « la détermination de l’OTAN et de la Russie de donner corps à leur engagement commun de construire une Europe stable, pacifique et sans division, une Europe entière et libre au profit de tous les peuples ». Il est clair que la mise en place de l’ABN depuis la Roumanie jusqu’en Pologne, le pré-positionnement de blindés et de troupes sur le « flanc est » ainsi que la désignation de la Russie comme une « menace de l’est » ne contribuent pas à renforcer les « aspirations pacifiques » déclarées de l’OTAN. Ces décisions ont des conséquences graves : la première est évidemment de renforcer la course aux armements comme nous pouvons le constater lors des grandes manifestations de présentation des armements. Toutefois il faut souligner que le palmarès des dépenses militaires, établi par le magasine « Magazine news » place les USA à la première place avec 36% des dépenses militaires et, loin derrière, la Fédération de Russie avec 5% !
D’autre part, les décisions de Varsovie déstabilisent l’Europe ; Comment concilier les déclarations du Président polonais Andrzej Duda qui affirme que « l’agression de la Russie contre l’Ukraine a dévasté l’ordre international tel que nous le connaissions » et que les agissements de V. Poutine sont des « menaces contre la paix » et les déclarations du Président français, F. Hollande qui a estimé que la Russie « n’est pas une menace ni un adversaire… mais un partenaire qui parfois peut utiliser la force et que de toute façon « l’Otan n’a pas du tout vocation à peser sur les relations que l’Europe doit avoir avec la Russie ».
La géopolitique n’a pas de vacances ; néanmoins, à tous ceux qui me font l’honneur et l’amitié de me lire, je souhaite de bonnes vacances ; quant à moi je resterai en éveil pour vous informer !
Jean-Pierre Arrignon
Mon cher Jean-Pierre,
Ta lettre est pleine d’enseignements très utiles à la compréhension de ce qui « se trame » dans le monde d’aujourd’hui et dans le dos de nos peuples. Si les médias nous ont rebattus les oreilles avec le Brexit, il n’en est pas de même de la réunion des états membres de l’OCS à Tachkent. Aucune allusion n’y a été faite sur les chaînes et journaux français, y compris hélas ceux qui ne sont pas forcément « bien-pensants » (Valeurs Actuelles, Le Figaro Mag). Une chaîne allemande l’a évoquée rapidement; Peut-être la Chancelière pressent-elle mieux les dangers d’un tel marché aux portes de l’Europe, mais je n’en suis pas sûr tant les Allemands sont certains de leur supériorité industrielle. L’ouverture des frontières aux immigrés ne serait-elle pas la manifestation de cette crainte et le remède apporté?! Je reste dubitatif bien sûr…Pour moi la solution préconisée par le Général de Gaulle semble de plus en plus être la bonne: faire l’Europe de l’Atlantique à l’Oural. Faire un marché avec les USA, c’est s’inviter à la table des loups!
Avec mes amitiés
Jean-Michel Brungs
merci Jean Pierre pour cette analyse passionnante et réaliste .
et bonne fête du 14 juillet