Ma participation à l’émission « Le cours de l’histoire »(Xavier MAUDUIT), France Culture : Histoire de la Russie secrète: épisode 1: Lover of the russian queen?Ra-ra-Raspoutine et les mystères russes. 28.09.20

https://www.franceculture.fr/emissions/le-cours-de-lhistoire/histoire-de-la-russie-secrete-14-lover-russian-queen-ra-ra-raspoutine-et-les-mystiques-russes

Le mystique est, depuis le Moyen Âge, une figure récurrente dans l’histoire russe. Des Fols-en-Christ à Raspoutine, ces personnalités habitées par des sentiments religieux exacerbés, se retrouvent à la marge de la société tout comme au centre du pouvoir. Comment s’explique cette particularité ?

Les Russes craignent leur présence, car ils sont terribles et ils sont partout, surtout dans les zones humides. Les Russes les appellent комар et leur seule évocation provoque des démangeaisons. En russe, комар signifie moustique. 

Toutefois, aussi omniprésents que les moustiques en Russie (dans l’histoire de la Russie), il y a les mystiques, à savoir ceux qui recherchent l’union immédiate avec Dieu. Cette fois, les noms varient. Il y a les Fol-en-Christ ou iourodivy, des moines errants ou, pour le dire crânement, des moines gyrovagues. Il y a lesstrannik, des pèlerins qui errent tout autant, baignés de mysticisme. Il y a également les starets, eux aussi sont moines, mais ils se veulent guides. Alors, les mystiques sont-ils partout en Russie ? Il est certain qu’ils piquent notre curiosité. 

Avec Jean-Pierre Arrignon, historien, spécialiste d’histoire médiévale et notamment de l’histoire de la Russie, il est professeur honoraire des universités, docteur honoris causa de l’université de Iaroslav. Ses recherches portent sur le monde slave médiéval,  son intérêt s’étend également à l’orthodoxie, à l’histoire de la Russie contemporaine, en particulier autour de Vladimir Poutine. Il a enseigné à l’université de Poitiers et y a exercé la fonction de doyen de la faculté des sciences humaines. 

Avec nous aussi, Wladimir Berelowitch, directeur d’études à l’EHESS et professeur émérite d’histoire à l’université de Genève. Directeur de la revue L’Autre Europe (Lausanne-Paris) (1984-1995), il est membre du Comité de rédaction des Cahiers du Monde russe (EHESS, Paris) et de la Revue des Études Slaves (Paris). Ses travaux ont porté sur l’histoire de l’école russe et soviétique au XXe siècle et porte actuellement sur l’histoire socio-culturelle des élites en Russie au XVIIIe siècle, en particulier dans le domaine de l’éducation, enfin sur l’historiographie russe dans la Russie impériale.

À l’époque Kieven, la période du Xe et XIe siècle, en théologie comme en spiritualité, il n’existe aucun courant typiquement russe qui ne se trouve déjà à Byzance. Par conséquent, c’est l’introduction de la tradition religieuse byzantine qui va se faire notamment par la haute période des Xe et XIe siècle. Un point important qu’il faut souligner, c’est que les Russes vont recevoir une double formation chrétienne. D’une part une formation liée à l’introduction dans l’oicumene byzantine, c’est-à-dire la société chrétienne du monde, avec la baptême de Vladimir et, d’autre part, ils ont reçu une tradition mystique qui s’est faite par osmose. En effet, l’homme qui va inventer l’hésychasme, Syméon le Nouveau Théologien, était l’higoumène du monastère de Saint Mammas, près duquel les navires russes qui descendaient la route des Varègues aux Grecs, le Dniepr , étaient mis là puisqu’ils n’avaient pas le droit de rentrer dans Constantinople et ils vont recevoir par ce biais-là toute la théologie de Syméon le Nouveau Théologien qui est une théologie mystique. Jean-Pierre Arrignon

Aujourd’hui, il se produit le retour de certaines matrices de l’histoire russe qui sont, de façon caricaturale, la symphonie des pouvoirs avec une idéologie qui n’est pas complètement officielle mais assez dominante parce qu’on le voit dans les médias et, de façon très diffuse, de nouveau dans les élites, c’est un retour à l’orthodoxie en symphonie avec le pouvoir actuel. Il est aujourd’hui certainement presque aussi dangereux, ou peut-être même plus dangereux, de s’attaquer, de critiquer ouvertement l’Église orthodoxe que de critiquer Poutine. Wladimir Berelowitch


Les commentaires sont clos.